Nous avons été au Rajasthan en mars dernier réaliser un reportage pour la fondation 60 Millions de filles, nous laissons ici la parole à Manuela, membre de 60 Millions de Filles avec qui nous avons partagé cette magnifique expérience humaine, pour expliquer la teneur de ce beau projet humanitaire:
« La Fondation 60 millions de filles est née avec pour mission de promouvoir l’éducation des jeunes filles dans les pays en développement. De cette énergie collective, 14 projets en Afrique, Amérique centrale et Asie ont été réalisés en partenariat avec des organisations locales: construction d’écoles, formation des enseignants, distribution de fournitures ou d’équipement, prise en charge de frais de scolarité, soutien aux activités qui favorisent la fréquentation scolaire des filles (projets d’assainissement, garderies, cours pour adolescents), programmes d’appui aux communautés, etc.
La Fondation 60 millions de filles s’appuie sur des recherches qui montrent de manière convaincante que, de tous les investissements communautaires effectués dans le monde en développement, les programmes visant l’éducation des filles sont les plus efficaces. À l’école, tout en apprenant, les filles peuvent se développer dans un environnement sécuritaire. Une éducation de base de qualité leur assure un accès à l’information en matière de nutrition et de santé pour elles-mêmes et pour leur famille. Elle favorise également l’acquisition des compétences leur permettant d’apporter un support économique à leur famille. Les femmes instruites se marient et ont leurs enfants plus tard, ce qui réduit le taux de mortalité des mères et des enfants. De plus, elles sont plus susceptibles d’envoyer leurs enfants à l’école, les filles comme les garçons, ce qui accroît les possibilités d’éducation pour les générations futures.
La communauté de Kamoda est située à environ 92 km de Udaipur au Rajasthan. Elle est composée de 2 castes: les Bhils et les Rajputs. Les Bhils, appelés aussi Adivasis, sont l’un des peuples aborigènes de l’Inde centrale. Les Rajputs, quant à eux, sont de la caste guerrière supérieure aux Bhils. Les membres de cette communauté vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 28 roupies par jour (environ 0,50 dollar canadien ou 0,40 euro) selon les dernières données du gouvernement indien.
Cette communauté comprend environ 130 habitations soit un peu plus de 800 habitants dont 135 enfants âgés de 6 à 14 ans. De ce nombre, 54 enfants seulement vont à l’école primaire. Le taux de rétention est également faible. En effet, seulement 40 % des filles et 60 % des garçons au primaire fréquenteront l’école secondaire. La sous-représentation des filles au primaire et au secondaire s’explique en partie par les conditions de vie, les normes sociales et les traditions culturelles : tâches ménagères, corvée d’eau, soin des frères et sœurs en bas âge, mariage précoce, maternité à l’adolescence, etc.
L’école comprend 2 classes vétustes, sans lumière et sans fenêtre accueillant les élèves tous niveaux confondus. Les cours sont dispensés par 2 professeurs qui doivent marcher jusqu’à 5 km chaque jour pour se rendre à l’école.
La communauté a accès à 8 pompes manuelles qui permettent de desservir environ 30 à 36 habitations. Il y a également 15 puits dans le village, tous alimentés par l’eau de pluie qui est ensuite consommée par les habitants sans traitement adéquat. La plupart des femmes et des filles doivent marcher de 2 à 3 km sur un terrain accidenté pour aller chercher de l’eau. Pour ce qui est des installations sanitaires, celles-ci sont limitées. Une seule habitation est équipée d’un coin pour se laver et faire ses besoins. En ce qui concerne l’économie locale, 10% à 12% des garçons en bas de 18 ans doivent quitter le village pour aller en ville à la recherche d’un travail. La plupart des hommes partent de 4 à 6 mois en ville, généralement à Surat ou Mumbai, pour travailler. La majorité des familles restant dans le village tire son revenu de l’agriculture et de l’élevage d’animaux. Toutefois, le rendement des terres est peu élevé en raison de l’aridité des sols.
Pour relever ces défis, avec l’engagement de tous les membres de la communauté de Kamoda, 60 millions de filles et Free The Children ont réalisé un projet visant à augmenter le taux de fréquentation et de rétention des filles à l’école par la construction d’une école, à offrir des soins de santé dans un nouveau centre opérationnel, à fournir des installations sanitaires adéquates, et à proposer des activités génératrices de revenu.
Les résultats escomptés seront à l’image de ce qui a été réalisé pour la communauté de Lai, située à quelques heures de route de Kamoda. En effet, nous avons eu la chance de visiter ce même projet dans sa phase finale avec pour réalisations: une nouvelle école, un centre de santé et de la petite enfance, des latrines pour les filles séparées de celles des garçons, des lavabos communs, une pompe manuelle, un jardin de plantes médicinales pour conserver la pratique de la médecine ayurvédique et les fondations d’un bâtiment pour une cuisine communautaire.
Nous avons rencontré une membre du «Women’s self help group» nous raconter le processus d’autonomisation («empowerment») qu’elle a mené avec d’autres femmes du village afin d’améliorer leurs conditions de vie. De la nécessité de nourrir les nourrissons, ces femmes ont décidé d’acheter une chèvre pour couvrir les besoins des bébés, puis de vendre le surplus de lait à d’autres familles. Grâce à ce revenu, elles ont acheté une deuxième chèvre, puis une troisième. Après un certain temps, elles ont décidé de revendre la première chèvre, puis la deuxième en fonction des cours du marché. Ce long processus, qui a duré environ 1 an et demi, a permis à ces femmes de voir leur revenu tripler passant de 50 roupies par jour (environ 1 dollar canadien ou 0,70 euro) à 150 roupies (environ 3 dollars canadiens ou 2 euros).
Nous avons senti la détermination de ces femmes et de ces hommes à prendre en main leur vie pour briser le cycle de la pauvreté et permettre ainsi à leurs enfants de devenir des adultes confiants dans leur avenir. Une détermination qui nous pousse à croire que la pauvreté n’est pas une fatalité qui se transmet de génération en génération mais qu’elle peut être combattue par des solutions durables en partenariat avec tous les acteurs locaux.
En terminant, nous aimerions adresser nos sincères remerciements à notre partenaire Free The Children qui a facilité l’organisation de ce reportage sur le terrain, et plus particulièrement, Shobha et Brittnei, respectivement Country Director et Manager of Leadership and Trips Programming en Inde.
Nous adressons également tout notre respect à deux hommes formidables, Manish et Mohammed, Community Coordinators qui, fervents défenseurs de l’éducation des filles, vont de maison en maison pour convaincre les familles d’envoyer leurs filles à l’école.
Nous tenons également à souligner notre profonde solidarité envers les membres des communautés de Kamoda et de Lai.
Si, comme nous, vous êtes convaincus que l’éducation est un outil de développement pour les individus, un levier de productivité économique et de stabilité politique pour les nations, alors nous vous invitons à soutenir nos projets. »
texte de Manuela Clément-Francia, membre de 60 Millions de Filles